16 septembre 2013

Emigration française vers l'Espagne : une foire au cannabis au Pays basque espagnol

Le moral sapé par l’anathème, des milliers de fumeurs de cannabis français migrent ce week-end là où l’herbe est plus verte. En l’occurrence, juste de l’autre côté de la Bidassoa. Frontière naturelle entre deux États. Fossé entre deux législations.

Expogrow, autoproclamée « plus grande foire du cannabis d’Europe », a pris ses quartiers à Irún, sur la rive basque espagnole du fleuve limitrophe. Si le pays reste ancré dans une profonde tradition conservatrice, en termes de consommation de marijuana, c’est la tolérance qui prévaut.

Mais dans l’austère Palais des congrès, transformé en hypermarché pour jardiniers en herbe situé à deux pas de la frontière, « il est interdit de fumer », rabâche la voix enregistrée d’un speaker polyglotte. L’annonce est diffusée en boucle dans l’enceinte de 12 000 mètres carrés que se partagent près de 200 professionnels du secteur.

Les dernières nouveautés

De toute façon, Tony et Mathilde n’étaient pas descendus du bassin d’Arcachon pour consommer. « On préfère fumer tranquillement chez nous. » Ni même pour acheter : « C’est plus sûr via Internet. » Alors à quoi bon avaler plus de 400 kilomètres en moins de qurante-huit heures ? D’autant que d’ordinaire, la cité frontalière n’attire guère les tourtereaux. Sauf si ces derniers sont en quête d’alcool et de cigarettes bon marché.

« Cest la sortie du week-end », renseigne la jeune préparatrice en pharmacie. « Nous sommes tous les deux des consommateurs quotidiens de cannabis et nous possédons quelques pieds à la maison. C’est l’occasion pour nous de venir découvrir les dernières nouveautés en termes d’engrais, de lampes… Nous nous renseignons aussi sur les différentes variétés de graines commercialisées, mais ça ne vaut pas la peine de prendre des risques en passant la frontière. »

Après une nuit dans leur fourgon, le couple de Girondins repartira donc le coffre vide et la conscience tranquille. « Les exposants ne viennent pas ici pour faire du chiffre. La plupart des visiteurs sont des Français qui craignent les contrôles de police, alors ils préfèrent ne rien rapporter », explique l’un de ces marchands d’interdit, le sourire sobre et pourtant radieux.

Car Daniel Kresse est l’heureux patron d’une des rares banques d’Espagne solvables. Celle-ci vend des semences. 1,5 million de petites graines par an qui assurent à ce petit entrepreneur d’origine allemande un business florissant. Du coup, le « banquier » de Valence, dans le sud du pays, se contente volontiers de faire acte de présence à Irún, trois jours durant.

« L’industrie cannabique est un petit milieu. Alors il faut venir pour se montrer. Mais si on ne vend pas sur place, on se rattrapera par Internet. » Ici, une carte de visite échangée représente un client potentiel. Des carnets de commande qui se noircissent, quand l’économie ibérique sombre dans la déprime.

Un business juteux

L’an dernier, pour sa première édition, Expogrow a accueilli près de 16 000 visiteurs. Dont 40 % de Français. Un public de cultivateurs de cannabis rarement (voire jamais) approchés par des professionnels du secteur. « C’est tout un marché à conquérir », gage Thomas Duchene, l’organisateur de l’événement, un Français exilé en Espagne depuis douze ans.

« En tant que simple distributeur, je participais aux foires dédiées au cannabis qui avaient lieu en Espagne (NDLR : il existe une poignée d’événements similaires à travers le pays), en Europe ou au Canada. Mais j’avais plus d’ambition. Je voulais apporter une valeur ajoutée. Alors nous avons organisé des animations diverses, fait venir des groupes de musique, mais surtout, nous sommes installés à 200 mètres de la frontière. »

Sur ce coup de poker, le Français a eu du flair. À 12 euros le pass journée (entrée interdite aux mineurs), la seconde édition d’Expogrow devrait s’avérer plus que lucrative pour Planta sur distribuciones, la société de Thomas Duchene.

Les associations écœurées

Côté basque français, la stratégie commerciale parfaitement assumée écœure les associations de lutte contre les toxicomanies. « Après cela, on a l’air de cons à passer de lycée en lycée pour faire la morale aux jeunes ! » : le Luzien Christian Vignaud, président de l’association Zubia, voit rouge. « C’est clairement de l’incitation. Avec une foire comme celle-là de l’autre côté de la frontière, qui vante la simplicité de la culture à domicile, comment voulez-vous que notre message de prévention soit audible ? »

Mais pas de quoi donner le moindre remord à Thomas Duchene. « Je n’ai pas l’impression d’être le diable incarné. Je ne deale pas de l’héroïne, tout de même. Nous parlons là d’une plante. » Un produit naturel certes, mais défendu au nord des Pyrénées. Là où l’homme à la main verte semble condamné à faire pousser son herbe étouffée au fond d’un placard ou dissimulée entre deux plants de tomates.
Les pays où la loi a évolué

De San Francisco à Vladivostok, l’interdit du cannabis ressemble à un chiffon de papier. Partout, les politiques répressives sont en échec. Elles coûtent une fortune aux contribuables sans parvenir à endiguer l’explosion du trafic et la montée de la criminalité qui l’accompagne. Dans le courant du mois d’août, les députés uruguayens en ont tiré la leçon. Sous réserve d’être inscrits dans un registre vérifié par les autorités, les consommateurs locaux pourront acheter dans des pharmacies spécialisées jusqu’à 40 grammes de marijuana par mois. Ils auront aussi la possibilité de faire pousser des plants de chanvre. L’Uruguay est ainsi le premier pays au monde à placer le commerce et la production de cannabis sous contrôle étatique dans l’espoir de tarir les revenus des mafias.

Les coffee-shops controversés

Plus au nord, les lignes bougent aussi. Aux USA, les États du Colorado et de Washington ont légalisé en 2012 la consommation de cannabis à des fins récréatives. Au Colorado, l’usage personnel, la possession et la culture à domicile ne tombent plus sous le coup de la loi. En Europe, L’Espagne, la République tchèque et la Hollande autorisent aussi la consommation et les plantations à des fins personnelles. L’exemple des Pays-Bas reste malgré tout controversé, la cession de cannabis dans les fameux coffee-shops n’a pas entraîné la disparition des réseaux criminels.

Neuf autres pays du Vieux Continent dont l’Allemagne et l’Italie ont choisi de dépénaliser. Les consommateurs n’y risquent tout au plus que des peines d’amende au demeurant légères alors que les fumeurs français pris en flagrant délit encourent jusqu’à un an de prison ferme. Mais c’est vers le Maroc, premier producteur mondial de cannabis et principal fournisseur des marchés européens, que se tournent tous les regards. Un projet de loi déposé sur le bureau du Parlement envisage de légaliser la culture du cannabis à des fins médicinales et industrielles !

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1 commentaire:

  1. Trop tard paul c'était le we dernier zut , tu te gardes tes plans pour toi petit malin.....

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