16 septembre 2013

L’Inde se prépare-t-elle à confisquer l’or de ses citoyens ?



En 1991, le gouvernement Indien gageait les réserves d’or de sa nation contre des prêts émis par des sources internationales. Il semblerait donc qu’il ait déjà considéré l’idée d’utiliser son or pour supporter sa présence et son rôle à l’échelle internationale.

Le taux de change de la roupie continue de décliner, et ce plus rapidement que celui de toutes les autres devises. Au cours de ces quelques dernières années, la roupie est passée de 42 à plus de 63 roupies pour un dollar. Bien que cela reflète en partie le retrait des ‘capitaux fébriles’ du pays (les investissements en carry trade tirant avantage de l’écart entre le dollar et la roupie), cela souligne également la perte de confiance envers l’économie Indienne – bien qu’elle continue de croître à hauteur de 5% par an – et sa devise. La balance des paiements du pays continue de tomber dans le rouge.

Tout cela a précipité l’imposition de contrôles de capital sur les Indiens, et si la situation venait à s’aggraver, ces contrôles devraient se généraliser pour englober les investissements étrangers au sein du pays et prévenir leur sortie. L’Inde est en crise !

Le gouvernement Indien est parfaitement conscient que ses options sont limitées, mais il devra prendre une décision rapidement. L’utilisation de l’or privé est l’une des solutions auxquelles il se prépare.

Notez que les citoyens Indiens possèdent plus de 20.000 tonnes d’or, d’une valeur actuelle de 900.200.000.000 dollars. Certains estiment que le tonnage approche des 25.000 tonnes. Si cela s’avérait exact, sa valeur actuelle serait de 1.125.250.000.000 dollars.

Si le gouvernement Indien saisissait cet or d'entre les mains de ces citoyens pour le placer dans ses coffres, la confiance en la roupie pourrait s’en trouver stimulée si l’or était utilisé pour la soutenir. Cela pourrait-il se produire ? Tout ne dépend que de l’ampleur de la crise. Mais ceux qui pensent que la confiscation est une perspective terrifiante devraient observer ce qu’il se passe en ce moment-même.

La campagne de sauvetage de l’or

Il existe actuellement en Inde une campagne dite de ‘sauvetage de l’or’, ou ‘swarna bachao abhiyan’, qui vise les énormes quantités d’or qui se cachent dans le pays. Cet or est détenu par des citoyens ordinaires, des riches, des charités, des temples et des banques.

Une annonce à ce sujet a été faite lors de la convention internationale pour l’or qui se tient actuellement à Jaipur. Une importante organisation du nom d’All India Gems and Jewelery Trade Federation – qui se cache derrière l’appel pour la cessation des ventes d’or par le biais de ses succursales en réponse aux requêtes du gouvernement – a récemment organisé une réunion portant sur le sujet, dans un contexte de déficit grandissant de balance de compte courant.

Vinod Hayagriv, ancien directeur de l’organisation, a dit lui-même que la banque centrale Indienne planifiait de réguler les dépôts d’or, grâce auxquels les bijoutiers peuvent mobiliser leur or au travers de différentes banques, à l’échelle nationale. Son objectif est de faire entrer de grosses quantités d’or sur le ‘marché’. En s’alliant au gouvernement, l’organisation vise à interagir avec le ministère des finances pour discuter de nouvelles possibilités.

Les propriétaires d’or se verront encouragés d’apporter leur métal auprès de bijoutiers agréés. Les bijoutiers en vérifieront ensuite l’authenticité et émettront un certificat pour chaque barre ou pièce avant de la remettre au client. Pour le cas de bijoux, l’or devra d’abord être fondu en la présence du client avant qu’un certificat puisse lui être issu. Le client devra ensuite apporter son or et son certificat à sa banque, qui lui délivrera un certificat de dépôt pour une période déterminée pouvant aller de un à trois ans, après quoi le déposant pourra récupérer son or avec intérêts, comme promis par sa banque.

On entend également parler de prêter de l’or à des sociétés non-financières créées à cette fin, qui permettront à leurs clients de retirer leur or avant la fin de la période de maturité et pourraient prêter le métal à des bijoutiers. Nous ne disposons pas de détails supplémentaires quant à la raison pour laquelle des bijoutiers voudraient emprunter de l’or, notamment parce que leur travail est de vendre de l’or. Comment pourraient-ils avoir accès à l’or avec lequel rembourser les déposants ?

Des solutions qui se sont déjà prouvées sans succès

Des mesures similaires ont été prises en 1999 avec le même objectif d’attirer les réserves d’or privées sur le marché et de réduire la dépendance de l’Inde aux importations.

Le gouvernement Indien avait alors mis en place un système de dépôt d’or par le biais de la banque d’Etat Indienne, mais sa tentative ne s’est prouvée que peu fructueuse et son projet a été annulé avant d’être relancé en 2009. Il a une nouvelle fois échoué à parvenir à ses objectifs, en raison, est-il dit, du manque de promotion agressive du projet par les banques du secteur public, parce qu’il avait été présenté comme service introduit par le gouvernement. Cette mesure n’incluait pas la fédération des bijoutiers, ce qui a conduit à un manque d’infrastructures où fondre le métal, tester sa pureté et le convertir en barres. Les banques ont dû dépenser beaucoup d’argent pour convertir des bijoux en barres d’or pur.

Le concept a également échoué en régions rurales, où la population n’a que très peu recours aux banques et n’est que très peu encline à se séparer ses bijoux. Elle n’a pas fait confiance en la vérification de son or par le gouvernement et s’est dite inquiète du coût à payer pour transformer à nouveau son or sous forme de bijoux une fois qu’il lui serait retourné. Les liens émotionnels et religieux que les gens ont avec leur or et le manque de confiance envers le gouvernement et sa bureaucratie ont été sous-estimés. Le projet a déjà échoué à deux reprises.

Le gouvernement a donc fait quelques amendements à son projet. Des fonds communs et des ETF enregistrés auprès du Securities Exchange Board of India se sont vus demander de déposer une partie de leur or pour rendre le projet plus attrayant pour les individuels. Bien que les intérêts tirés de l’or soient taxables de la même manière que tout autre revenu, l’or déposé sous ce nouveau système serait exempté d’impôts sur la fortune. Une fois de plus, le projet laissait de côté la confrérie des bijoutiers.

Pourquoi donc essayer à nouveau ?

Aujourd’hui, avec le support de la fédération des bijoutiers et de sa bonne compréhension du marché de l’or, détaillants et bijoutiers se verront demander de contribuer à la réussite du projet.

La fédération des bijoutiers a suggéré qu’aucune question ne soit posée quant à la provenance de l’or et qu’un impôt sur la fortune soit applicable. Elle a également demandé à ce que la quantité d’or mobilisée par le projet soit reportée chaque mois ou chaque trimestre. Selon elle, cela pourrait permettre au projet de fonctionner.

- Le gouvernement aurait à contrer le manque de confiance, une tâche presqu’impossible à ce que l’on a pu voir jusqu’à présent. La réponse des propriétaires d’or Indiens, qu’ils soient ou non des institutions, ne devrait pas être tirée de leur attitude passée. Les deux efforts précédents du gouvernement ont échoué. De la même manière que ces deux derniers, le nouveau projet demande aux investisseurs de divulgueur leur propriété d’or.

- Le gouvernement et sa bureaucratie auraient accès à ces informations.

- Les membres du public feront-ils confiance à la fédération des bijoutiers s’ils savent que le gouvernement et les banques sont derrière elle ?

Pourquoi donc essayer à nouveau ? Il devient apparent que la fédération travaille main dans la main avec le gouvernement, et que le gouvernement fait tout son possible pour répondre à ce qui pourrait devenir un souci de crédibilité internationale. Il doit faire quelque chose.

Les bijoutiers s’allient pour ne pas fermer leurs portes

De la même manière, la fédération doit faire quelque chose pour ne pas avoir à fermer ses portes. Si le gouvernement décidait de confisquer l’or privé, ces bijoutiers perdraient tout ce qu’ils ont, soit leur or, soir leur entreprise. En coopérant avec le gouvernement, ils assurent leur survie.

Le projet du gouvernement devrait selon moi bénéficier d’un très faible enthousiasme, ce qui pourrait pousser le gouvernement à forcer l’acquisition d’or au travers de la confiscation.

Le gouvernement n’aura alors plus qu’à utiliser cet or à des fins nationales et pour stimuler la crédibilité de la roupie à l’échelle internationale.

Mais le succès d’une telle confiscation nécessiterait le support des bijoutiers et du gouvernement et l’offre de paiements raisonnables aux propriétaires d’or.

L’idée qu’ils puissent recevoir une somme en roupies équivalent au prix marché de leur or est une probabilité, malgré la promesse du retour de leur or en fin de période. Les propriétaires d’or devront demander s’ils récupèreront leur or ou une somme en roupie équivalente à la valeur de leur métal.

La probabilité que ce remboursement puisse être fait en roupies (constamment dévaluées) est très élevée, puisqu’il est clair que l’or déposé devra être soit vendu soit utilisé par le gouvernement. Alternativement, les propriétaires d’or se verront certainement forcés d’accepter une extension de la période de prêt.

Quant à la fixation d’une date à laquelle cet or pourrait être retourné à ses propriétaires, il est nécessaire de souligner qu’il va dans l’intérêt de la nation que de voir le gouvernement demander accès à l’or prêté pour une durée prolongée. Aux Etats-Unis, il a fallu 41 ans pour attendre le retour de l’or confisqué.

Le gouvernement Indien pourrait gérer la crise sans avoir recours à la confiscation, mais il y a peu de chances qu’il puisse y parvenir s’il n’arrive déjà pas à surmonter les problèmes liés au taux de change. D’où la campagne de sauvetage de l’or !

Quelle alternative se présente au gouvernement ? Il a déjà imposé des contrôles de capital et des contrôles sur les importations d’or. A mesure que la situation s’aggrave, une confiscation devient de plus en plus envisageable.

Un avant-goût du futur ?

Nous sommes les témoins d’un exemple classique de l’effondrement d’une devise et des étapes nécessaires au maintien de sa crédibilité à l’échelle internationale.

La même chose arrivera-t-elle à d’autres devises ? J’aborde depuis longtemps le sujet de l’arrivée du yuan Chinois sur la scène internationale. Attendez-vous à un élargissement de la convertibilité du yuan d’ici la fin de l’année.

Les Chinois ont parfaitement conscience de l’impact qu’aura ce changement sur le système monétaire global. Ils savent parfaitement qu’il détruira l’hégémonie du dollar et donnera naissance à un système poly-devises. C’est pour cela qu’ils achètent de l’or et encouragent leurs citoyens à en faire autant. Il ne fait aucun doute qu’ils aient compris la nécessité d’accorder un rôle à l’or sous le régime monétaire à venir.

Le fait même qu’il n’y aura bientôt plus de système cohérent signifie que l’or devra remplir ce rôle.

Je suis également certain que le monde ne pourra ignorer ce rôle bien longtemps. La majorité des nations, dont celles du monde développé, finiront par intégrer l’or au système monétaire pour le bien de la crédibilité de leurs propres devises. Cela inclura les réserves de devises actuelles. Les banques centrales du monde se prépareront sans doute à cette éventualité.

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