25 septembre 2016

Algues vertes en Bretagne : des vérités qui dérangent


Algues vertes en Bretagne : des vérités qui... par franceinter
 
On continue de ramasser chaque année 50.000 tonnes d’algues vertes en Bretagne. Le déficit pour la région et pour le tourisme est estimé à plus d’un milliard d’euros. Mais au-delà du coût économique, ces algues peuvent poser un risque majeur pour la santé publique : quand elles pourrissent, et ce dans un délai de quarante-huit heures, elles développent un gaz ultra toxique, de l’hydrogène sulfuré, qui peut tuer comme du cyanure, en quelques secondes.

L’accident de Saint Michel-en-Grève

Vincent Petit en a fait l’expérience en juillet 2009 sur la plage de Saint-Michel-en-Grève dans les Côtes d’Armor alors qu’il se promenait à cheval : "Après avoir mis pied à terre, je m’enfonce tout d’un coup dans une vasière restée invisible, et ce jusqu’aux genoux. Idem pour mon cheval qui met les antérieurs dans la vase" raconte le cavalier. En quelques instants, il fait un arrêt respiratoire. "A partir de là je vous garantis que ce fut le rideau noir, je n’ai plus aucun souvenir de comment ils s’y sont pris pour me sortir de là, me ranimer et me mettre dans une ambulance" précise Vincent Petit.
Le lanceur d’alerte et la résistance des autorités sanitaires

A l’hôpital, le cavalier est suivi par un médecin urgentiste Pierre Philippe. Ce dernier a déjà rencontré plusieurs cas similaires d’intoxication. Il alerte même sur ce danger depuis vingt ans mais personne ne veut l’écouter.

De même, lorsqu’il demande une autopsie du cheval décédé, il se heurte à un véritable mur. "Je me suis heurté aux pires oppositions. Je n’avais pas le droit de faire cette demande, il fallait que cela passe par les autorités sanitaires" se souvient le docteur Pierre Philippe. Ce fut "une véritable plaie durant plusieurs matinées passées à me battre pour obtenir cette autopsie" dit-il. Et il ajoute : "La direction de l’hôpital par l’intermédiaire du directeur adjoint est venue m’avertir de faire attention, qu’elle avait reçu des appels de la DDASS, de la préfecture, affirmant que j’étais sur la ligne rouge à ne pas franchir. On m’a bien mis en garde."

Pourquoi une telle résistance ? En période estivale, hors de question de faire fuir les touristes. Pourtant l’autopsie du cheval est finalement réalisée. Les conclusions sont sans appel aux yeux du cavalier Vincent Petit. "On a constaté des poumons extrêmement congestionnés avec un afflux de sang massif, compatible avec une intoxication par un gaz. Gaz retrouvé à un taux - qu’on ne peut pas dire anormalement élevé puisqu’il n’est pas présent sinon à l’état de trace dans des tissus humains ou animaux - à plus d’un milligramme par kilo de matière. Une quasi bombe atomique dans le poumon !"

Une bombe atomique qui va provoquer cette fois une déflagration politique. Pas moins de quatre ministres se déplacent en urgence sur les plages bretonnes. Chantal Jouanno, la secrétaire d'Etat à l’Ecologie de l’époque, ne cache pas son inquiétude. "Effectivement les résultats sont très clairs, explique Chantal Jouanno. Les doses de gaz sur les algues en décomposition, cet hydrogène sulfuré, sont le double des doses mortelles. Ce qui m’a frappé dans ce dossier est le nombre d’années où on a joué la politique de l’autruche."

Responsabilité de l’agriculture intensive et lobbyisme

L’origine de ces algues est parfaitement connue. Les chercheurs de l’IFREMER l’ont clairement identifiée : c’est la conséquence de la pollution des eaux par l’agriculture intensive, et ses rejets de nitrates. Mais des lobbies sont à la manœuvre et travaillent avec des experts qui, eux, continuent de distiller le doute comme par l’agronome Christian Buson, consultant pour l’industrie agroalimentaire : "On a voulu voir un symbole dans ces marées vertes : le revers de la médaille de l’agriculture soit disant intensive, sans faire la démonstration réelle que cette cause était sérieuse et valable" remarque l'agronome. Et ne lui dîtes pas qu'il est financé par des grosses entreprises de l'agroalimentaire. "C’est une extrapolation que vous faîtes là ! C’est totalement hors de propos" rétorque Christian Buson. "Vous n'avez jamais été financé par l'agroalimentaire?" : à la deuxième question, la réponse est : "Je n’ai pas à vous parler de ça, c’est hors sujet. Coupez ça." Hors sujet, c’est loin d’être aussi certain.

Un coût élevé mais peu de résultats

En réalité, cette stratégie du doute prolonge l’inaction environnementale. Pire, alors que l’Etat a donné des centaines de millions d’euros de subventions à la Bretagne dans le cadre du Plan Algues Vertes, et, cet argent a servi au contraire, selon Jacques Mangold un ancien adjoint au maire de Saint Brieuc, à augmenter la taille des exploitations agricoles. "Certaines exploitations l’ont utilisé pour améliorer les manières de gérer leurs effluents d’élevage et donc leur nitrate, mais tout l’argent n’a pas servi qu’à ça. Il a permis aussi d’augmenter les capacités de rétention de lisier sur la ferme ce qui permettait aussi de produire davantage" indique l'ancien élu. Selon lui, la mesure a eu un effet nul pour l'environnement mais intéressant pour l’agriculteur puisqu’il produisait plus. "Lorsqu’on sortait de réunion avec l’ancien responsable FNSEA pour l’environnement, il était d’accord pour diminuer les nitrates, mais quand on était dans l’escalier il pensait aussi peut-être à augmenter la production !" raconte Jacques Mangold.

Et, aujourd'hui, le Conseil Régional présidé par Jean-Yves le Drian (ministre de la Défense du gouvernement Valls), ne fait rien pour arranger les choses. Il vient de supprimer ses aides à un conseil scientifique indépendant qui travaillait justement sur les algues vertes…

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