09 décembre 2016

Le 8 novembre, la Californie a voté la Sécession


Le site Sic Semper Tyrannis (SST) emprunte à Larry C. Johnson, ancien analyste de la CIA très critique des tendances de la presse-Système concernant la situation US, notamment l’argument ridicule de l’incursion russe dans les élections, une analyse serrée des résultats du vote du 8 novembre en Californie. (Le texte une première fois publié le 9 novembre à été développé et remis à jour avec les derniers éléments statistiques disponibles au 8 décembre, confirmant l’appréciation initiale.) Il en tire deux enseignements fondamentaux :

1). La Californie explique à elle seule, et très largement sinon au-delà, l’avantage de vote populaire que Clinton a sur Trump dans les résultats généraux des USA : l’avantage populaire de Clinton sur Trump en Californie (2,5 millions) double quasiment, en chiffres bruts, l’avantage populaire de Clinton sur Trump pour les USA en entier (1,3 million). Si l’on enlevait la Californie des USA, – ce qui est le sujet implicitement discuté ici, – Trump aurait effectivement emporté une très large victoire populaire le 8 novembre. Ce déséquilibre est extrêmement significatif.

(D’autre part mais également d’une façon significative pour notre propos, on peut noter que l’argument du camp Trump selon lequel il y a eu autour de trois millions de votes “illégaux”, c’est-à-dire de votes de citoyens non-US en situation irrégulière mais disposant néanmoins de certains documents d’identité permettant leur inscription sur les listes électorales, – très libérale jusqu’au désordre aux USA, – cet argument pourrait s’appliquer surtout en Californie, où la présence des latinos est si forte qu’elle dépasse désormais, depuis 2014, en nombre la population d’origine blanche [les Caucasiens-Américains, dit-on, paraît-il, en novlangue autorisée], – 14,9 millions contre 14,2 millions ; tandis que le passage de Californie au Mexique est particulièrement aisé jusqu’à rendre floues autant la notion d’“illégalité” du passage que la présence des “illégaux” [citoyens non-US] pour le vote général des présidentielles. Ces “illégaux” sont en nombre très importants : la Californie comptait en 2012, avec augmentation depuis, 2.450.000 immigrés illégaux, soit 6,3 % de la population, représentant la 2e plus forte proportion du pays par État après le Nevada [7,6 %] mais de très loin la première en chiffres bruts. Cela conduit à la remarque que, dans ce cas particulier de la Californie qu’on trouve dans un tel état d’esprit de sécession, un immigrant latinos en Californie, illégal par rapport aux USA, est-il illégal dans l’esprit de la chose par rapport à l’État de Californie ?)

2). La Californie est très loin d’avoir beaucoup voté, ce qui implique qu’il n’y a pas eu une véritable mobilisation concernant le problème central US des présidentielles et l’on peut considérer qu’une importante majorité des votants s’est exprimée contre Trump bien plus que pour Hillary, même si leur votes sont allés à Hillary. Au contraire, le total des votes est en recul de deux millions par rapport à l’élection de 2012. Là aussi, l’enseignement qu’on peut tirer est le constat d’un état d’esprit naturellement sécessionniste, comme si le cas du futur président des USA n’intéressait pas une partie importante de l’électorat californien.

Voici ce que nous dit cet aspect du texte de Larry Johnson repris par SST le 8 décembre : « Drudge was wrong. Yesterday’s blaring headline that turnout was on pace for 140 million turned out not to be true. In fact, the breathless media reporting about massive turnout is a bit misleading. The total votes cast this year, including third party candidates Stein and Johnson, stands at 123,724,157 million. That about 6 million less than voted for all candidates (including third party) in 2012–129 million.

» The number show that Hillary Clinton has 1,322,095 more votes nationally than Donald Trump (as of 8 December). The difference in the popular vote is entirely because of California. Hillary polled 5,589,936 while Trump trailed with 3,021,095. Hillary had 2.5 million more votes in California than Trump.

» However, total votes in California dropped fairly dramatically compared to 2012. There were 2 million fewer votes. That was an exception what was going on in the other battle ground states. If you compare the number of votes in battle ground states this year to the votes in 2012 you see that the vote was basically the same with the exception of Florida, where there was a significant increase... »


Nombre de ces résultats et de ces comportements tendent ainsi à montrer combien la Californie a été une exception dans ce vote des présidentielles, et une exception qui implique un état d’esprit différent du reste des USA, un état d’esprit de sécession même s’il ne s’agit encore pour beaucoup que d’un état inconscient de la psychologie. C’est à notre sens pour cette raison que les autorités officielles de l’État réagissent avec une telle violence contre Trump, qui est dans ce cas beaucoup plus “le centre” (le représentant du “centre”) que le président Trump en tant que tel. En effet, on n’a pas assez relevé cette violence que nous avons mentionnée dans ce texte référencé du 7 décembre, et nous répétons ici ce passage tant il nous paraît significatif pour l’état d’esprit que reflète la direction californienne, – effectivement démocrate californienne, mais dont la vigueur extraordinaire, à la limite de la légalité et des us et coutumes des relations constitutionnelles entre les États et le “centre”, n’a pas fait un instant l’objet de la moindre remarque de la direction centrale du parti. Sans doute cette direction considère-t-elle cette réaction comme étant en ligne avec la tendance progressiste-sociétale qui caractérise l’actuelle ligne démocrate officielle (mais qui est contestée désormais par une minorité du parti qui en voit clairement le danger pour la cohésion des USA), – alors qu’elle nourrit avec une force insoupçonnée la tendance sécessionniste dont nous voyons partout des traces dans ce survol du cas de la Californie dans ces élections présidentielles...

« On peut également citer le discours au cours de ces mêmes cérémonies du Speaker de l’Assemblée de l’État de Californie, le démocrate Antony Rendon, appelant les Californiens à un refus de l’unité nationale s’apparentant à un état de sécession ; il compare la situation à celle de la Seconde Guerre mondiale, et la Californie étant dans cette analogie le Royaume-Uni de Churchill aux heures sombres de 1940-41, cela impliquant que l’administration Trump et le centre washingtonien sont une réplique postmoderne de l’Allemagne nazie :“‘Californians do not need healing. We need to fight,” he declared. Rendon called the Trump administration a “major existential threat’ on a par with the Second World War... [...] Citing a wartime speech by Winston Churchill, Rendon declared that Californians would defy the federal government’s efforts to enforce immigration law, and would protect the state’s ‘interests’.” »

C’est sur ce terreau pour le moins fécond que se développe et va se développer l’initiative concrète des sécessionnistes affichés qui veulent mettre en marche un processus aboutissant à la décision d’un référendum sur la sécession (Calexit) en 2018, pour l’organisation de ce référendum en 2019-2020. La “déclaration de guerre” anti-Trump de la direction californienne, au nom de l’engagement idéologique du parti démocrate mais sans distinguer que cet engagement est un quelque sorte, si on le personnalise, l’“idiot utile” du courant sécessionniste, devrait très vite alimenter une tension considérable entre l’État de Californie et le “centre” Washington D.C., là aussi entretenu par la violence partisane anti-Trump des démocrates.

Il y a un processus d’auto-alimentation réciproques des extrémismes complémentaires, – l’extrémisme idéologique des démocrates contre Trump qui est aussi président et donc le “centre”, et l’extrémisme déstructurant des USA des sécessionnistes contre “le centre”, qui est Trump en l’occurrence. Ces deux extrémismes convergent vers un même but d’affrontement entre la Californie et “le centre” qui profite évidemment aux sécessionnistes. (Stupidité une fois de plus démontrée de l’idéologisation-Système, puisque la sécession est, dans le cas des USA, un mouvement antiSystème par définition.) Dans ces conditions, le calendrier 2018-2020 pourrait être accéléré selon les circonstances d’affrontement caractérisant la présidence Trump, et nous ne doutons pas que ces circonstances ne manqueront pas.

Là-dessus, nous devons rappeler notre conviction que le cas californien ne peut rester isolé. Le cas californien tel que nous l’envisageons, s’il a à voir avec la Californie, a d’abord à voir avec le tabou fondamental de la cohésion des USA qu’est la sécession. Si la Californie développait un antagonisme fondamental avec “le centre”, on passerait rapidement d’une rhétorique “Californie versus ‘le centre’” à une rhétorique “sécession versus ‘le centre’”. D’autre États se sentiraient très vite concernés. La sécession, lorsqu’elle n’est plus un tabou, lorsqu’elle n’est plus opérationnellement un tabou, est quelque chose comme une maladie contagieuse qui s’étend avec la rapidité de l’éclair quand la situation est, comme elle l’est aujourd’hui, bouleversée et secouée par les troubles intérieurs déchirant les USA.

Comme nous l’avons si souvent répété depuis des années, cette question de la sécession est tout simplement la question de l’ontologie même des USA, le cas unique et fondamental de leur survie ou de leur disparition... Et, dans ce cas, il n’y aura pas comme dans le cas-référence qui vient à l'esprit une Russie restante avec sa légitimité historique puissante et sa souveraineté pour survivre à l’éclatement de l’URSS; il n’y a pas de noyau central, souverain et légitime des USA, cette souveraineté et cette légitimité étant le fait de la multitude de leurs composants.

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